La dictée DE DECEMBRE proposée par Christine

On devrait...

 

On devrait organiser des cours techniques de bons usages au sujet des cadeaux que l'on s'échange entre parents et amis à Noël, pour la Saint-Nicolas, ou pour chaque anniversaire.

(Fin pour les plus jeunes.)

 

Si l'on s'enquiert généralement des souhaits des plus jeunes, y compris des tout-petits, la plupart des personnes, faute de s'être renseignées, semblent n'avoir aucune idée de ce que désirent les adultes. Alors, ou bien l'on se rabat sur les objets à la mode, du dernier cri, ou bien l'on opte pour des choses qu'en toute bonne foi on juge utiles, indispensables, essentielles. Un grand classique, à destination des hommes, demeure la cravate, qu'elle soit à fines rayures orange ou qu'elle arbore la tête malicieuse d'un chihuahua ébouriffé.

(Fin pour les cadets et juniors.)

 

Quand bien même s'agirait-il d'une quatre-vingt-douzième cravate en quelque dix ans, on se doit de manifester avec l'entrain et l'alacrité des boute-en-train, soit oralement, soit par écrit, selon le cas, ses vifs remerciements. Par lettre, à distance, l'heureux destinataire, dût-il se contraindre, peut même se permettre d'assurer que la cravate reçue est exactement ce dont il avait un besoin urgent pour que sa vie atteigne la béatitude. Tartuferie, hypocrisie, momerie ?... Que nenni ! Seulement le plus élémentaire des savoir-vivre, l'entregent le plus accort, que plus d'un, dans la vie, devrait dûment et continûment manifester à l'égard d'autrui.

La dictée D'AVRIL de Françoise

 LE GAUFRIER DE LA SAINT-VALENTIN

  

Même pour les incroyants, l'hagiologie (étude de la vie des saints) est pleine de ressources précieuses.

Le 14 février, nul ne l'ignore, nous fêtons un certain Valentin qui est tour à tour prêtre romain, évêque de Terni ou évêque de Rhétie, ce qui ne sert en rien notre histoire, mais au Scrabble, qui sait ?

 

Je glisse aussi sur la métamorphose historique qui fit passer le saint homme du rang de martyr obscur au statut de protecteur des fleuristes, des menus spécial pigeons (en couple), des mugs avec la tête de ta douce reproduite en couleurs, des cartes postales neuneus, et de toutes ces dégoulinades de guimauve qu'on veut désormais nous faire avaler le 14 février.

 

Deux théories s'affrontent pour expliquer ce changement. L'une est pastorale et saisonnière. On fêterait les amoureux ce jour-là parce que les paysans d'Angleterre, et ceux de la moitié nord de la France, avaient remarqué que les oiseaux s'accouplaient à cette date. C'est charmant mais peu crédible.

Pourquoi ne pas prendre comme date de l'amour, la veille, Saint-Evroult, abbé d'Ouche, ou le lendemain, Saint-Jovite ?

« Tu as fêté ta Valentine ? »

« Non, moi j'ai la jovite ». Quelle merveille ! On dirait une maladie vénérienne.

Autre explication plus solide. La fête nouvelle sert à christianiser plus ou moins habilement la festivité païenne qui préexistait. Il s'agissait de la fête des Lupercales ou Luperculia, (dans la Rome antique, fêtes annuelles célébrées du 13 au 15 février près d'une grotte « le Lupercal » en l'honneur de Faunus, Dieu de la forêt et des troupeaux).

Les latinistes élégants y auront vu la racine du mot « lupus » le loup, la fameuse louve de Rome qui nourrit Romulus et Remus, les fondateurs de la ville.

Ça n'en fait pas pour autant la fête du biberon – ce que regretteront les alcooliques - mais celle de la fécondité.

Lors des swingantes cérémonies organisées ce jour-là, les luperques, (les gaillards à la noce), couraient à demi-nus dans les villages et frappaient les filles qu'ils voulaient épouser avec les lanières des bêtes qu'on venait d'égorger. On savait rire en ce temps !

Ah ! Les restaurants auraient une autre gueule, si on se remettait à ces saines pratiques au lieu de se contenter des couillonnades au sirop qu'on nous sert aujourd'hui. On obligerait les types à assister à l'abattage de la bête en cuisine avant de les lancer au milieu de la salle, en slip kangourou, l'os du gigot sanguinolent à la main, à la poursuite de leur dulcinée.

 

L'étude des textes sur Valentin nous dit qu'il fut longtemps représenté tenant dans une main un soleil (annonce du printemps) et dans l'autre un gaufrier. C'était pour annoncer le carnaval qui ne se fête plus trop, sinon à Dunkerque. C'est cette dernière pratique qu'il faut rétablir. Il faut rendre au saint ce qui lui appartient, le gaufrier, en le modernisant.

Il ferait aussi bien crêpière et nécessaire à raclette.

L'intérêt de cette avancée sociale ? La Saint-Valentin fera fête des mères en même temps. Deux niaiseries fondues en une seule, un réel progrès !

 

François REYNAERT - Extrait de son livre La planète des saints

 

LA DICTéE DE FEVRIER

 AU DAM DES DAMES

 

L'effilochée, l'antique ère où Pénélope faisait tapisserie à longueur de soirée et laissait filer le temps pour ne point avoir à prendre parti !

Disparue l'époque moyenâgeuse où la dulcinée se morfondait en attendant, du haut des remparts, le retour de son sigisbée (chevalier servant d'une dame) après un tournoi !

Tout juste après une morne balade peu fatigante, se distrayait-elle en écoutant un baladin accompagné de sa cithare déclamer des vers tendres ou un musicien jouer un morceau pour lyre.

Car en ce début du XXIème siècle, Ève s'est levée, et elle a la cote ! Sa parole délivrée, elle clôt, sans langue de bois, le bec au mâle fat. Et s'il lui chante la pomme, elle le ridiculise jusqu'au trognon. Gare à lui, donc, s'il lui passe la brosse, Adam !

Les femmes se sont en effet vu nier jusqu'à leur existence propre.

Pour gagner sa croûte, l'une d'elles n'a-t-elle pas dû mettre Dupin de côté pour qu'il lui soit permis de renaître en Sand volcanique ?

La gent féminine s'efforce donc de reprendre les rêves de sa destinée - un véritable cheval de bataille !

Elle ne laisse plus les laquais, gourds (emprunté, maladroit, lourdaud) gandins (jeune homme d'une élégance excessive) se prenant pour de preux paladins (chevaliers d'élite ayant atteint les plus hauts grades, constituant notamment la garde de Charlemagne), choisir pour elle une molle haquenée (cheval ou jument d'allure douce que montaient les dames) : à elle aussi les barbes (m. chevaux de selle d'Afrique du Nord) plus ou moins bien dressés !

Même si certains machos condescendants persistent à ne la considérer que comme hétaïre (courtisane d'un rang élevé) en zénana (il s'agit ici de l'étoffe cloquée qui sert à fabriquer des robes d'intérieur ou peignoirs), n'est-elle pas plutôt redevenue cette Athéna aux yeux pers, tout en armée ? Ainsi, longtemps nymphe lovée dans son cocon, s'est-elle métamorphosée en apollon ou en adonis pour prendre son envol dans la société ?

Mais, après s'être tues, certaines accusent à cor et à cri le langage du sexisme. N'exhibe-t-on pas en effet des avis bonhommes à la vue des rideaux bonne femme ?

Pourquoi qualifie-t-on le birbe (canaille, vieux birbe ou vieillard rétrograde) laid, concupiscent, voire incontinent de vert galant alors que son équivalente ménopausée, qui souvent a vécu le climatère (échelons de la vie et changements qui vont avec comme la ménopause ou l'andropause) mal, est écorchée du nom de cougar (ou cougouar) ?

Pour ne plus faire mauvais genre, ne vaudrait-il pas mieux que nous employions des noms qui en possèdent deux ? Par exemple, pour garder l'esprit maison, nous pourrions utiliser comme mot-clé manse (nom à deux genres : masculin et féminin / habitation rurale avec jardin et champs, au haut Moyen Âge) ! Plus personne ne porterait de chapeau si, au lieu de shakos, (coiffure militaire tronconique, portée par les gardes républicains et les saint-cyriens) monsieur Tout-le-monde portait des chapskas (coiffure militaire polonaise).

Mais en définitive, la solution ne consisterait-elle pas à user à gogo de l'hermaphrodite par excellence ?

Alors, vénérés, adulés, les petites gens, pour quelque modestes qu'on les eût tenus !

 

Philippe Dessouliers